Une révolution dans les clauses limitatives de responsabilité qui deviennent opposables aux tiers victimes :
La règle était jusqu’ici connue : si les clauses limitatives de responsabilité ou de réduction du délai de prescription pouvaient être aisément opposées à son cocontractant, elles ne pouvaient l’être aux tiers au contrat.
Et sa justification était évidente : la clause n’ayant pas été portée à la connaissance du tiers et acceptée par lui, elle lui était totalement inopposable.
Le tiers à un contrat pouvait donc invoquer notamment depuis l’arrêt Bois-Rouge en 2020, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui avait causé un dommage. Il se trouvait, alors, placé jusqu’à l’été dernier dans une situation extrêmement favorable bénéficiant de tous les avantages de la responsabilité contractuelle notamment en cas de violation d’une obligation de résultat mais ne subissait aucun des contrepoids juridiques qui pouvaient maintenir l’équilibre contractuel initial.
La Cour dans son arrêt du 3 juillet 2024 semble mettre fin à ce régime particulièrement favorable en estimant que « le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants. »
Elle met en avant une volonté de « ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s'est engagé en considération de l'économie générale du contrat » et ainsi, à contrepied de sa position classique, s’oriente donc vers une justification économique tenant à l’équilibre contractuel.
Dès lors, à comprendre l’arrêt, les clauses de plafonnement des dommages et intérêts, celles attributives de compétence ou imposant une médiation, celles limitant la prescription et même celles réduisant le délai d’action seraient applicables à partir du moment où le tiers invoque une violation contractuelle.
Sans préjuger de l’accueil qui lui sera réservé par les juridictions du fond, il est acquis que nombre de demandeurs qui pensaient leur indemnisation acquise vont être confrontés à une forte précarisation de leur argumentaire puisque s’agissant de fin de non-recevoir, elles pourront être soulevées à tout moment de la procédure.
Pour autant, cette décision de la chambre commerciale, qui souhaite remettre de l’équilibre dans les rapports entre les différentes parties, tend finalement à priver d’intérêt l’application de l’arrêt précité Bois Rouge et inciter le tiers s’estimant lésé par l’exécution d’un contrat à s’orienter vers sa voie procédurale naturelle : la faute délictuelle.